France: échec du plan «Ecophyto 2018», ambitieux programme de réduction des produits phytosanitaires
![](https://protecteurs-des-plantes.ch/wp-content/uploads/2018-10-Vineyard-landscape-in-France_Fotolia_143916347_720X340.jpg)
En 2008, la France lançait le plan “Ecophyto 2018”, destiné à diminuer de moitié la quantité de produits phytosanitaires mis en œuvre d’ici 2018. Au lieu de cela, la consommation de ces produits a augmenté.
Pour les autorités, il s’agit désormais de corriger le tir. Lors de la campagne présidentielle française de 2007, Nicolas Sarkozy avait joué une carte maîtresse de politique environnementale. Après son élection à l’automne 2007, il avait convoqué une table ronde nationale connue sous le nom de “Grenelle de l’environnement” et réunissant divers groupes d’intérêts afin de définir les orientations de la politique environnementale française. Si certains sujets pourtant incontournables en France, comme l’énergie nucléaire, ne figuraient pas à l’ordre du jour de ce sommet, d’autres décisions touchant un large public étaient en préparation dans d’autres domaines. Le gouvernement annonçait notamment un revirement spectaculaire de sa politique agricole en 2008 avec le plan “Ecophyto 2018”, qui devait permettre de réduire de moitié la quantité de pesticides utilisée en l’espace d’une décennie. Aucun autre pays ayant une agriculture aussi importante et diversifiée que la France ne s’était jamais fixé un objectif aussi ambitieux.
Depuis lors, la France a investi près d’un demi-milliard d’euros dans Ecophyto, dont les priorités sont la promotion de types de cultures utilisant moins de pesticides (PI, lutte biologique), l’amélioration de l’information et de la formation des agriculteurs et la création d’un réseau d’exploitations agricoles partageant des connaissances sur les pratiques agricoles améliorées. En outre, la France a interdit diverses substances actives de pesticides et prélevé une taxe d’incitation sur les produits phytosanitaires pour en modérer l’usage.
Au bout de quelques années seulement, on s’aperçu que les objectifs très élevés d’Ecophyto ne pourraient pas être atteints. Lorsque le rapport officiel sur l’état d’avancement du projet a été présenté par le ministère français de l’Agriculture en été 2018, le plan Ecophyto 2018 est apparu clairement comme un fiasco. Au lieu de diminuer de moitié, les quantités de pesticides appliquées ont au contraire augmenté de 12,4% (comparaison des moyennes triennales 2009 – 2016).
Le plan initial reposait sur l’hypothèse erronée que les agriculteurs utilisent de toute façon beaucoup trop de pesticides et qu’ils pourraient donc, dans une large mesure, s’en passer facilement et sans trop d’efforts. En réalité, beaucoup d’agriculteurs n’étaient pas prêts à risquer de perdre des récoltes à cause d’une utilisation trop parcimonieuse de produits phytosanitaires, malgré les taxes d’incitation récompensant financièrement une moindre consommation de ceux-ci. En outre, l’interdiction de certaines substances actives, tels les néonicotinoïdes extrêmement efficaces utilisés dans les champs de céréales, a contraint les paysans à utiliser de plus grandes quantités de produits phytosanitaires de remplacement moins performants.
Entre-temps, les responsables politiques français ont pris conscience que des mesures simples ne suffiront pas à obtenir une réduction drastique des phytosanitaires et qu’on ne parviendra au but sans des changements profonds dans les structures et les processus agricoles. En France, à cet égard, on considère dès lors comme une méthode prometteuse (appliquée depuis longtemps dans l’agriculture suisse) une amélioration de la rotation des cultures et une agriculture plus polyvalente. Mais cela exige aussi des changements dans toute la chaîne de valeur et prend donc du temps. Les résultats de l’actuel projet Ecophyto montrent également que l’amélioration de certaines pratiques, par exemple une application mieux ciblée des pesticides, est une source potentielle d’économies. Le réseau DEPHY de 3000 fermes expérimentales et de démonstration en France a permis d’économiser respectivement 11% de produits phytosanitaires pour les cultures de labour, 12% pour la viticulture et jusqu’à 25% pour les légumes sans perte significative de profit ou de rendement, grâce à des méthodes de pointe. Le développement de méthodes et de solutions techniques améliorées, combiné à une formation complémentaire efficace pour tous les agriculteurs, offrent donc de réelles possibilités d’économies au titre de la protection des cultures.
En France, le nouveau plan “Ecophyto 2+”, qui prévoit des recherches plus poussées, des fermes de démonstration plus nombreuses, mais aussi davantage de taxes incitatives sur les produits phytosanitaires ainsi que de nouvelles interdictions de substances actives, devrait se traduire en principe par une diminution significative de l’utilisation de pesticides. On est impatient d’en voir les résultats.
Informations complémentaires
- Le plan Ecophyto 2018, Ministère de l’agriculture (F), 10.09.2008
- Déploiement du plan Ecophyto : des résultats encourageants, agriculture.gouv.fr, 28.13.2017
- Ecophyto – Note de suivi 2017, Ministère de l’agriculture (F), 27.07.2018
- Le Gouvernement donne une nouvelle impulsion au plan Écophyto, Ministère de l’agriculture (F), 27.07.2018
- France’s decade-old effort to slash pesticide use failed. Will a new attempt succeed?, Science, 11.10.2018
- Laure Hossard et al. 2017, Lack of evidence for a decrease in synthetic pesticide use on the main arable crops in France, Science of The Total Environment 575:152-161