Abeilles domestiques: stabilité des pertes hivernales en Suisse, toujours plus de ruches en Europe
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Le spectre de la “mortalité des abeilles” reste très présent dans l’esprit de beaucoup de gens. Les chiffres actuels des apiculteurs suisses montrent toutefois que les pertes hivernales moyennes des populations d’abeilles ont de nouveau été faibles au cours de l’hiver 2019/20. Et selon la FAO, le nombre de colonies sur le continent européen augmente d’année en année.
Aux États-Unis, les apiculteurs commerciaux ont observé des pertes massives dans leurs colonies à partir de 2006, quand les abeilles ont quitté leurs ruches et disparu sans laisser de traces (“Colony Collapse Disorder” CCD). Au cinéma, le film “Des abeilles et des hommes” (« More than honey ») a bouleversé de larges couches de la population en 2012. Les raisons de la mort des abeilles étaient dans un premier temps inconnues. Les années suivantes, des pertes hivernales inhabituellement fortes ont également été décrites à plusieurs reprises en Europe, bien qu’avec des symptômes différents, de sorte que des comparaisons directes avec le CCD des États-Unis restaient malaisées. Les maladies, les rayonnements des téléphones mobiles, les produits chimiques dans l’environnement et les insecticides ont été passés en revue, parmi d’autres déclencheurs possibles.
Bien que les experts s’accordent à voir dans des maladies telles que le varroa la plus grande menace pour la santé des abeilles, les organisations environnementales ont rapidement pointé du doigt ce qui leur apparait comme une cause majeure de la mortalité des abeilles : les insecticides de la classe des néonicotinoïdes, utilisés par exemple pour traiter les semences.
Malgré l’absence de preuve évidente de la dangerosité de ces substances pour les ruches dans la pratique apicole, une pression politique massive dans l’UE, ainsi qu’en Suisse, s’est traduite par l’interdiction des principales applications de trois types de molécules de néonicotinoïdes à la fin de 2013, avec pour résultat qu’à partir de 2018, toutes leurs applications sur des cultures extérieures ont été interdites.
Pas de changement significatif des pertes hivernales suite à l’interdiction des substances actives
En Suisse, des données statistiques sur les pertes hivernales des abeilles sont collectées depuis des années afin d’évaluer l’état de santé de ces importants pollinisateurs et fournisseurs de miel. Pour l’hiver 2019/20, 1 403 apiculteurs de toute la Suisse ont fait part de leurs observations sur un total de 23 075 colonies d’abeilles. Selon l’information fournie au début juin 2020 par l’association Apisuisse, qui a évalué toutes les données, une proportion de 13,2 % d’entre elles n’ont pas survécu à l’hiver,
Ainsi les pertes hivernales sont restées dans la ligne des années précédentes. Une comparaison des données sur les 12 dernières années, soit six ans avant les restrictions ciblant les néonicotinoïdes et six ans après, ne montre aucune différence significative. La faible variation entre les valeurs moyennes (15,5 % de pertes hivernales jusqu’en 2014 contre 14,3 % après 2014) n’est pas probante compte tenu des grandes fluctuations annuelles ; de plus, même après les restrictions appliquées aux néonicotinoïdes, l’hiver 2016/17 a été marqué par des pertes élevées.
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Aperçu des “pertes hivernales réelles” annuelles (comparaison des populations hivernantes et non hivernantes) des douze dernières années. Les effets des interdictions des néonicotinoïdes étaient attendus dès l’hiver 2014/15 (barres orange). Or, les pertes moyennes hivernales n’ont guère évolué.
Selon le rapport annuel du Service sanitaire apicole suisse (SSA), l’atteinte la plus grave à la santé des abeilles et la principale raison des pertes hivernales est l’infestation généralisée des ruches par le parasite prédateur varroa, qui ne cesse de se propager en Suisse depuis les années 1980. Depuis plusieurs années, les apiculteurs ont acquis de plus en plus d’expérience dans la lutte contre les acariens. Les maladies du « couvain vinaigre » (aigre ou nauséabond) et l’infestation par la fausse-teigne causent également des problèmes aux abeilles domestiques. En comparaison, l’empoisonnement aigu par des pesticides est une attaque très rare. En 2019, seuls cinq cas de ce type ont pu être confirmés dans toute la Suisse, dont trois étaient dus au non-respect des règles d’application des produits.
Augmentation de la production de miel et du nombre de ruches en Europe
Si, année après année, plus d’une ruche sur dix ne survit pas à l’hiver, n’y a-t-il pas un risque d’extinction des abeilles au bout de quelques années ? Cette inquiétude n’est pas fondée, car les apiculteurs prennent soin de leurs ruches et, le cas échéant, multiplient les colonies par division, compensant ainsi les pertes de chaque hiver et assurant la pérennité des populations d’abeilles mellifères.
Les statistiques agricoles de la FAO montrent que la production de miel et le nombre de ruches sont en augmentation depuis des années en Europe. De 2009 à 2018, dernière année de recensement disponible, le nombre de ruches a augmenté de 3,4 millions pour friser les 19 millions (+22 %). Il n’y a donc pas lieu de craindre une extinction des abeilles domestiques.
Informations complémentaires
- Environ une colonie d’abeilles sur huit n’a pas survécu à l’hiver – les pertes restent ainsi stables à un faible niveau pour la troisième année consécutive. Apisuisse Communiqué de presse, 03.06.2020
- Bruno Reihl & Jean-Daniel Charrière, Les pertes hivernales 2019/20 restent stables au même niveau que l’année précédente (traduction), Schweizerische Bienen-Zeitung 06/2020, S. 26-29
- Rapport 2019 sur la santé des abeilles en Suisse , Service sanitaire apicole (SSA) / Apiservice, avril 2020
- Colonies d’abeilles: FAOSTAT Live Animals: Beehives
- Production de miel: FAOSTAT Livestock Primary: Honey, natural